Dans le domaine de la construction et de la rénovation, l'isolation thermique est souvent évaluée à travers des critères tels que l'épaisseur des matériaux ou le coefficient de résistance thermique (R). Cependant, un autre aspect tout aussi important reste largement méconnu : le déphasage thermique. Ce concept, bien qu’indispensable, est souvent négligé, alors qu'il joue un rôle crucial dans le confort thermique des habitations. Que ce soit dans les bâtiments anciens aux murs épais ou dans les constructions modernes, le choix des matériaux et des isolants peut influencer fortement le déphasage. Dans cet article, nous explorerons ce qu'est le déphasage, son importance, et comment différents matériaux, anciens et modernes, peuvent optimiser ce phénomène.

Qu'est-ce que le déphasage thermique ?

Le déphasage thermique désigne le temps que met la chaleur pour traverser un matériau d’un côté à l’autre. En d’autres termes, il s'agit de la capacité d’un mur ou d’un isolant à ralentir la progression de la chaleur. Ce délai permet de lisser les variations de température à l'intérieur d'un bâtiment et d'améliorer le confort thermique, surtout lors des fortes chaleurs estivales ou des grands froids.

• Exemple concret :
  Un isolant ou un mur avec un déphasage de 10 heures pourra retenir la chaleur extérieure pendant une journée entière avant qu'elle ne pénètre dans la maison. Cela permet de maintenir des températures intérieures stables, même lorsque les températures extérieures fluctuent fortement.

Le déphasage dans les bâtiments anciens :

Les bâtiments anciens, comme les maisons en pierre ou les longères, sont souvent cités pour leur excellent comportement thermique. Les murs en pierre, épais et massifs, possèdent un déphasage naturel élevé.

Pourquoi ?
La densité et la masse thermique de la pierre permettent d'absorber une grande quantité de chaleur et de la restituer lentement, créant un effet tampon. Cela est particulièrement avantageux en été, où la fraîcheur est maintenue à l'intérieur, mais peut aussi poser problème en hiver si l’isolation est insuffisante pour éviter les déperditions thermiques.

Optimisation :
Dans la rénovation de ces bâtiments, il est important de respecter cette inertie thermique naturelle. Les isolants naturels tels que la laine de bois ou la chaux-chanvre peuvent être utilisés pour compléter ces murs sans dégrader leur capacité de déphasage.

Le déphasage dans les constructions modernes :

Dans les constructions modernes, le déphasage est souvent sacrifié au profit de matériaux légers, comme les parpaings ou les ossatures bois, et d'isolants classiques comme la laine de verre. Ces choix, bien qu'efficaces sur le plan du coefficient R, offrent un faible déphasage thermique, rendant les bâtiments sensibles aux variations rapides de température.

Matériaux légers :
Le parpaing, par exemple, a une faible inertie thermique. Si l’isolation choisie n’a pas un bon déphasage, la chaleur extérieure peut rapidement pénétrer dans l’habitation, créant une sensation d’inconfort.

Solutions pour les constructions modernes :
Pour améliorer le déphasage, des matériaux comme le béton de chanvre, les briques monomur ou encore des panneaux en laine de bois haute densité peuvent être utilisés. Ces matériaux offrent un équilibre entre isolation et inertie thermique.

Comparaison des isolants et leur déphasage :

Le choix de l’isolant est déterminant pour le déphasage thermique. Voici un aperçu des performances de quelques isolants courants :

Laine de verre :

• Déphasage : faible (2 à 3 heures)
• Idéal pour : l’isolation hivernale, mais peu adapté aux fortes chaleurs sans complément.
• Inconvénient : n’offre pas une grande inertie.

Laine de bois :

• Déphasage : élevé (8 à 10 heures)
• Idéal pour : réguler la température intérieure, particulièrement en été.
• Avantage : bonne gestion de l’humidité.

Paille :

• Déphasage : très élevé (10 à 12 heures)
• Idéal pour : les constructions écologiques.
• Avantage : matériau naturel, excellent pour les maisons bioclimatiques.

Béton de chanvre :

• Déphasage : élevé (8 à 10 heures)
• Idéal pour : compléter des murs en parpaing ou en pierre.
• Avantage : contribue à l’inertie globale du bâtiment.

Polystyrène expansé ou extrudé :

• Déphasage : faible (1 à 2 heures)
• Idéal pour : les murs légers où le déphasage n’est pas prioritaire.
• Inconvénient : piètre performance pour les périodes estivales.

Comment intégrer le déphasage dans un projet de construction ou de rénovation ?

Analyse des besoins locaux :
Si vous habitez dans une région où les écarts de température sont importants entre le jour et la nuit, comme en climat méditerranéen, le déphasage est un critère crucial à considérer. À l’inverse, dans des climats tempérés, il peut être secondaire par rapport à la résistance thermique.

Associer inertie et isolation :
L'idéal est de combiner des matériaux ayant une bonne inertie (murs massifs, béton de chanvre) avec des isolants naturels à fort déphasage (laine de bois, paille).

Ventilation et confort :
Un bon déphasage fonctionne mieux avec une ventilation adaptée. Des systèmes comme les VMC double flux peuvent renforcer l’efficacité thermique de l’ensemble.

Déphasage et confort d'été :

Le déphasage est particulièrement important en été, où il permet de lutter contre les surchauffes. Par exemple, dans une maison mal isolée avec des murs légers et un faible déphasage, la chaleur peut rapidement s’accumuler, rendant l’intérieur inconfortable. En revanche, des murs massifs associés à un isolant à fort déphasage maintiendront une température agréable.

Conclusion :

Le déphasage thermique, bien qu'encore trop méconnu, est un critère essentiel pour garantir le confort dans une habitation, qu'il s'agisse d'une rénovation ou d'une construction neuve. Les bâtiments anciens tirent souvent profit de murs massifs et denses qui offrent un excellent déphasage, tandis que les constructions modernes peuvent compenser ce manque en optant pour des isolants naturels ou des matériaux innovants. En prenant en compte le déphasage dans le choix des matériaux, il est possible d’améliorer le confort thermique et de réduire les besoins énergétiques, quelle que soit la saison.